Seaspiracy est un documentaire choc de 90 minutes créé par le cinéaste Ali Tabrizi et diffusé sur Netflix. L’écologiste habitué à participé à de tels projets, comme ce fut le cas pour Vegan 2018, tente d’expliquer les raisons de l’échouage des baleines.
Il traite également des sujets tels que la surconsommation et soulève de nombreuses controverses. En effet, le film pointe du doigt l’industrie de la pêche, faisant d’elle la plus grande menace des océans.
Dans un contexte où la surproduction et les modes de consommations tendent à changer, quel est le véritable apport de Seaspiracy ? Lebonplanciné se penche sur cette question.
Une réalisation qui plonge au cœur du problème
Seaspiracy est avant tout un voyage. De l’Asie à l’Europe en passant par le Royaume-Uni. Le documentaire choc enchaîne les révélations sur l’industrie tout en maintenant un sentiment d’urgence. L’usage de caméras cachées et le fait de filmer dans des endroits dangereux fait plonger au cœur du problème. De plus, cette manière de documenter montre que le sujet traité est gênant et qu’une part d’ombre existe sur les marchés de pêche illégaux. Dès lors, nous découvrons que corruption, esclavage et fraude, impliquant les grands noms de l’industrie ainsi que des gouvernements sont monnaie courante.
Au fur et à mesure que le documentaire progresse, les découvertes s’enchaînent. Tout se met en place lorsque l’enquête plonge plus profondément dans les raisons de ce désastre. Les nombreuses statistiques et graphiques combinés à une narration sans détour sur l’état de la vie marine, glacent le sang. Parfois, la narration est poussée à un tel degré d’émotions qu’elle fait culpabiliser le spectateur.
Ce qui est vraiment intéressant dans ce format, ce sont les efforts déployés par l’équipe pour découvrir la vérité. Allant même jusqu’à la mise en place d’entretiens en caméra cachée ou de recueil d’images au péril de leur vie avec des groupes mafieux et de gouvernements. Il faut dire que le fait qu’Ali Tabrizi, lui-même activiste, y est pour quelque chose. En effet, il a participé à des nettoyages de plages et changé ses habitudes de consommations après avoir pris conscience de l’urgence de la situation.
La surconsommation à l’origine du désastre écologique
L’un des enjeux traité tout au long de Seaspiracy est celui de la pêche durable et sa faisabilité. Des organisations à but non lucratif, telles que Le Marine Stewardship Council, prennent part à la question. En effet, dans une réponse très largement expliquée, ils expliquent comment les stocks de poissons peuvent être bien gérés et de manière durable. Favorisant ainsi une productivité à long terme et une plus grande disponibilité des fruits de mer pour répondre aux besoins d’une population mondiale croissante.
De plus, le documentaire évoque le problème du plastique dans nos océans. Affirmant même que 46 % provient des filets de pêche en plastique. Cependant, cette donnée est une mauvaise interprétation d’une information prise dans un document daté de 2018. L’information indique que les filets de pêche représentent au moins 46 % du plastique présent dans le vortex de déchets du Pacifique nord. Il est vrai que la présence de plastique dans l’océan est un problème, mais ce n’est rien comparé à une désinformation issue d’un manque de compréhension de données scientifiques.
Outre cet aspect, le réalisateur Ali Tabrizi demande aux personnes d’arrêter de manger du poisson. Les incitant à introduire des produits à base de plantes dans leur alimentation. Bien que cette intention soit louable, des milliards de personnes dépendent des fruits de mer pour leur principale source de protéines. De ce fait, l’industrie de la pêche joue un rôle primordial dans les moyens de subsistance de ces personnes. Par conséquent, si l’on décide de mettre fin à la pêche commerciale pour nous tourner vers la culture de plantes, cela soulève d’autres questions. Comment et où allons nous cultiver ses plantes ? Par quoi remplacerions-nous les protéines animales et quels effets cela aura-t-il sur le monde végétal ?
Les controverses liées à Seaspiracy
À l’origine présenté comme un travail de journalisme d’investigation, le documentaire diffuse des informations erronées. Une affirmation est faite lors du film sur une note mélodramatique, selon laquelle les océans seront à court de poissons d’ici 2048. Cela fait d’ailleurs plusieurs années que cette information circule sur les réseaux sociaux comme Facebook ou WhatsApp.
Les auteurs originaux de cette fake news avaient eux-mêmes reconnu l’erreur et mis à jour les données. Pourtant, l’information continue de circuler et ce même au cœur du journalisme. Il est vrai que le film contient quelques erreurs factuelles. Cependant, ces informations ne permettent absolument pas de remettre en cause l’information principale qu’il transmet. De plus, ces erreurs minimes peuvent être simplement vérifiées grâce à des recherches, comme vu précédemment. Par conséquent, les accusations des sociétés de pêche, affirmant que les interviews aient été menées « hors contexte » et relayant des informations trompeuses révèlent au mieux leur ignorance de la situation des océans. Au pire une tentative désespérée de masquer le fait qu’elles soient en tort.
Sur les réseaux sociaux, le film doit faire face à d’autres polémiques. Les utilisateurs de Twitter ont souligné les sous-entendus racistes et xénophobes du film. Voyant dans ce documentaire trois postures clairement définies. Les méchants asiatiques qui pillent et consomment absolument tout dans les océans. Les peuples noirs et habitants de pays pauvres de l’hémisphère sud qui sont victimes des dérives de la surconsommation et de la pêche intensive. Les occidentaux et blancs qui se battent pour éviter le point de non-retour.
Que retenir du documentaire choc Seaspiracy
Finalement, le documentaire ressemble davantage à un règlement de compte sous couvert d’enquête écologique. Un avertissement cependant pour ceux qui envisagent de regarder le film : il n’épargne aucun détail macabre. Pullule de nombreuses et violentes scènes de cruauté animale (massacre de baleines ou dauphins). Aussi, un aparté est fait sur l’esclavage moderne provoqué par les industriels de la pêche. Affirmant que ceux-ci créent une dépendance vis-à-vis des consommateurs.
Dans le paysage documentaire, Seaspiracy déchaîne les passions. Entre revendications et accusations, le documentaire se veut différent en s’attaquant frontalement aux décideurs et influenceurs institutionnels. Il s’inscrit dans la logique du documentaire de Charles Ferguson, Inside Job, sortie en 2010. Abordant les dérives de la finance mondiale et les causes de la crise financière ayant débutée en 2007. Seaspiracy ne sera pas suffisant pour convaincre les spectateurs d’arrêter de manger des fruits de mer. Cependant, vous devez le regarder. En effet, il permet de prendre davantage conscience de ce qui se passe dans notre monde. Ce qui permet de modifier légèrement nos habitudes de consommation. Une maigre victoire.
La note de la rédac’ : un bon plan
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