Armageddon Time est un film dramatique réalisé par James Gray. Le film raconte l’histoire de Paul Graff (Banks Repeta), un enfant de 11 ans doué pour les arts. Ce dernier devient le bouc émissaire de son professeur principal d’école publique.
Située aux Etats-Unis dans les années 1980, la trame se dote d’un casting intéressant. Anne Hathaway, Jeremy Strong, Jaylin Webb. Mais surtout un Anthony Hopkins exceptionnel rendent le tout à la fois juste et émouvant. Cela dit, Armageddon Time vaut-il la peine d’être visionné ? Lebonplancine vous répond.
Armageddon Time, entre insouciance de la jeunesse et dureté du monde
Un jour, alors qu’il réussit l’exploit de copier de mémoire un tableau de Wassily Kandinsky, il devient le bouc émissaire de son professeur. Pour cause, celui-ci souhaitait que ses élèves fassent preuve d’originalité, chose que Paul n’a pas respecté. Cependant, l’autorité dont il fait preuve dépasse de loin l’entendement. D’autant plus qu’il ignore totalement le don artistique du jeune garçon.
Plus tard, nous retrouvons Paul au sein de sa nouvelle école. Un prestigieux établissement privé ayant formé l’élite de la nation. Toutefois, il est à nouveau ramené à la réalité par l’un de ses professeurs d’art. Ce dernier l’exhortant à faire le devoir sans s’égarer dans ses pensées. Cependant, les choses sont légèrement différentes car l’adulte reconnaît chez le jeune homme un talent certain.
Gray est l’un des réalisateurs qui exploite au mieux à l’écran les aspects contradictoires de la société. Entre douceur et brutalité, audace, maladresse et naïveté. Il s’excerce à décrire une société dans laquelle le clivage social est évident. Dans ce genre, l’innocence est mise à rude épreuve. Et l’expérience sociale qui en découle, aussi douloureuse soit elle, permet de créer un parallélisme entre l’Amérique du passé et celle du présent.
Un film engagé à la limite de l’autobiographie
À travers Paul, une partie de l’enfance de James Gray est montrée à l’écran. Ancien peintre, il expose volontier dans ses films son goût pour les arts. Démontrant ainsi un attrait particulier pour le visuellement beau et utilisant avec subtilité les métaphores. Particulièrement lorsqu’il faut évoquer les tragédies causées par le racisme et la lutte des classes sociales. De plus, la trame se déroule la majeure partie du temps à Flushing, dans le Queens. Quartier d’enfance de James Gray.
L’évasion permet de rendre ce fantasme réel. Chez Paul, cela se reflète lorsqu’il quitte la réalité morose de son monde urbain. Il se retrouve alors dans une sphère socialement plus élevée et brillante. Mais c’est également une projection d’un désir à peine masqué. Celui d’appartenir à l’élite New Yorkaise des années 1980, pour quelqu’un qui en a déjà intériorisé les codes et préjugés.
Par cette approche, le réalisateur lie les désirs et l’imagination de ses personnages. Qui, pour la plupart, évoluent dans un monde truffé de pièges sociaux dont ils aspirent à s’extirper. Transcendant une réalité bien austère en symbole infini de liberté.
Armageddon Time, un chassé-croisé entre deux visions d’une même réalité
En liant d’amitié deux enfants issus de communautés frappés par le racisme de l’Amérique, ce sont en réalité deux visions d’une même pièce que le réalisateur nous propose. D’un côté, nous voyons la relation que Paul entretien avec Johnny (Jaylin Webb), un élève noir, vulnérable, vivant avec sa grand-mère malade. De l’autre, c’est la relation que Paul entretient avec sa famille juive russe et plus particulièrement ses parents, issues de la classe moyenne. Ainsi, Irving (Jeremy Strong) et Esther (Anne Hathaway), et son grand-père maternel bien-aimé Aaron (Anthony Hopkins).
Plus le film avance, plus nous observons les difficultés auxquelles les deux enfants doivent faire face à l’école. C’est à la suite de son transfert vers sa nouvelle école, rigide et conservatrice, que Paul va développer une grande rébellion. Et son désir d’évasion va s’intensifier. De son côté, Johnny vivra très mal cette situation. Continuant de son côté à subir les moqueries et préjugés d’un monde qui d’un côté où l’autre est finalement le même. La métaphore de la fenêtre de chambre de Paul en est l’illustration. Cette fenêtre donnant sur le jardin, dans lequel son père avait construit une maisonnette où Johnny avait pris pour habitude de se cacher.
La fenêtre sépare bel et bien deux mondes. D’un côté le reflet d’une enfance marqué par des actes manqués. De l’autre, celle d’un adulte troublé par les souvenirs du passé qu’il n’effacera sans doute jamais. C’est également une introspection entre l’image que l’on se fait de soit étant enfant et l’expérience (souvenirs) que l’on a encore de cette enfance.
Quelle interprétation peut-on faire du film
Injustement pointé du doigt comme étant une sorte mea culpa d’une oppression faire par les blancs sur les minorités aux Etats-Unis, le film se veut plus ambitieux. En effet, il n’est pas vraiment question de lutte ethnique, mais davantage de lutte de classe. Ainsi, James Gray démontre que selon le statut social d’une personne, celle-ci pourrait avoir à un moment ou l’autre de son existence, profité et contribué à l’oppression dont elle et ses aïeux ont autrefois souffert. Contribuant inévitablement à une reproduction sociale désastreuse des erreurs du passé.
Finalement, Armageddon Time est un coup de cœur qui se distingue par son sens de la justesse. Une critique tellement juste qu’elle va à l’encontre du spectre noir et blanc que l’on a pour habitude d’exposer à l’écran. La question du bien ou du mal au sein d’une société malade est magnifiquement incarnée par le personnage Aaron, joué par Anthony Hopkins. La véritable lutte est de ne pas tomber dans les largesses qu’offre le sentiment de position de domination.
La note de la rédac’ : un très bon plan
© Copyright photo Universal Pictures