Suite et fin de cette trilogie documentaire consacrée à Kanye West avec l’acte III de Jeen-Yuhs. L’épisode précédent nous avait laissé un goût amer et nous sentions que les choses allaient devenir bien plus sombres. En effet, la fin de l’acte II de Jeen-Yuhs laisse supposer à une coupure dans la relation qui lie Kanye et Coodie. Le succès, le show-business, la richesse et l’industrie de la musique ont un impact sur le comportement de l’artiste. Cependant, sa mère Donda joue un rôle important dans sa carrière. Devenue son manager, elle planifie les interviews, prestations et conseille son fils dans tous ses déplacements.
Une présence indispensable puisqu’elle est à l’origine de Hey Mama, titre phare de l’album Late Registration sorti en 2005. C’est d’ailleurs cet opus qui lui permet de remporter une nouvelle fois le prix du Meilleur Album Rap de l’année aux Grammy Awards. Mais alors que l’on pense que rien ne peut arrêter le rappeur de Chicago, l’événement le plus marquant de sa carrière va se produire. Et plus rien ne sera jamais comme avant. Lebonplanciné vous dévoile l’acte III de Jeen-Yuhs.
Jeen-Yuhs acte III, la mort de Donda West
Le 10 novembre 2007, la mère de l’artiste, Donda West, est retrouvée sans vie à son domicile. Le monde entier est sous le choc. Et pour cause, cette dernière avait pris une place importante dans la vie de l’artiste. Au-delà de son rôle de mère, elle était sa meilleure conseillère, sa source de joie et la principale raison qui le poussait à se surpasser. Visionnaire, Donda n’a cessé de le pousser dans tout ce qu’il entreprenait. Mais à présent, elle n’est plus et les conséquences vont être dramatiques pour Kanye West. D’autant plus que cette disparition intervient seulement deux mois après le lancement de son troisième album, Graduation. Dès lors, le comportement de l’artiste va être différent.
Davantage agressif, l’artiste se renferme sur lui et ses apparitions en public sont de plus en plus déplacées. Dépressif et à fleur de peau, il exprime davantage ses faiblesses et va à l’encontre de la volonté de vaincre et la soul musique que l’on voyait dans les deux premiers opus. Il multiplie les écarts en interview, jusqu’à la fameuse intervention contre Taylor Swift lors des MTV VMA en 2009. Devenant ainsi la cible des médias. Il trouve refuge dans la musique et le travail, mais l’ambiance de ses créations est de plus en plus sombre.
Mais malgré cette instabilité, il enchaîne les succès commerciaux. En 2008, avec le mélodieux 808s and Heartbreak. L’année 2010 est marquée par l’incroyable My Beautiful Dark Twisted Fantasy. Puis en 2011 en collaboration avec Jay-Z pour le stratosphérique Watch The Throne. 2013 marque le début de l’ère Yeezus. En outre, il s’implique davantage dans sa marque de vêtements Yeezy et collabore avec de nombreux noms de la scène mode comme Jean Touitou de APC ou Ricardo Tisci à l’époque chez Givenchy.
Un artiste instable au sommet de son art
Le 11 février 2016 à New-York, l’artiste organise un défilé Yeezy et une session d’écoute pour la sortie de son prochain album The Life of Pablo. Lui qui a toujours voulu être le rappeur le mieux sapé est en train de concrétiser sa vision. Un succès retentissant qui fait de l’un des artistes les plus influents du monde à ce moment-là. Cependant, dans les coulisses, les choses se gâtent. En effet, lors de sa tournée Saint Pablo Tour, Kanye West va multiplier les interventions en plein show. N’hésitant pas à parler de tous les sujets qui lui passent par la tête. Ses relations avec d’autres célébrités, de Jay-Z à Beyonce en passant par Kim Kardashian ou Kid Cudi. Mais aussi ses prises de positions politiques, sa santé mentale et son instabilité.
C’est d’ailleurs ce premier qui va conduire le grand public et ses fans de toujours à remettre en question sa parole pour la première fois depuis plus de 12 ans. S’affichant avec Donald Trump, il semble bien loin de l’époque durant laquelle il critiquait ouvertement George Bush. Une santé mentale devenue très préoccupante qui est vécue comme une thérapie par l’artiste. Cette instabilité va le conduire en hôpital psychiatrique pendant plusieurs mois. Mais comme à son habitude, cette chute au plus bas va le rapprocher de ses acolytes de toujours et à sa sortie, ce sont eux qui vont prendre soin de lui. Dès lors, Kanye va expier ses démons.
Jeen-Yuhs acte III, la renaissance de Kanye
En 2018, Il se réconcilie avec Kid Cudi et Jay-Z avec qui les relations s’étaient tendues. Pour se changer les idées, il part au Japon et retourne en studio avec le premier. Il demande à l’artiste japonais Takashi Murakami de dessiner la cover de l’album qui sera intitulé Kids See Ghost. C’est aussi à cette période qu’il lance Ye en solo. Ces deux albums sont des exutoires et abordent les thématiques du suicide, la santé mentale et la dépression. Plus souriant, moins dépressif en apparence, Kanye West est en pleine renaissance. Mais de retour aux Etats-Unis, les choses se gâtent à nouveau. En interview, il prend des positions radicales sur des sujets comme l’esclavage. Au bord du suicide médiatique personnel, il se lance en 2009 dans un projet évangélique : Jesus Is King. Un projet controversé davantage perçu comme un coup marketing.
En 2020, l’artiste se lance en politique et ses interventions sont catastrophiques. Traitant de l’avortement, de sa vie personnelle et tenant des discours de plus en plus inaudibles. Il est à fleur de peau. C’est alors qu’il va rassembler une nouvelle fois ses proches et se lancer dans ce qui reste à ce jour son ultime projet : Donda. Véritable hommage à sa mère, lui qui n’a jamais véritablement fait le deuil, renait. Retournant à Chicago, où tout a commencé, il semble plus que jamais déterminer à reprendre sa marche. Cet album sonne comme la fin d’une boucle pour un artiste qui est passé par tous les états. Frôlant la mort, manquant à plusieurs reprises le suicide, ce dernier projet bien que controversé est artistiquement abouti. Cependant, la question de sa santé mentale reste au cœur des préoccupations.
Que retenir de Jeen-Yuhs, la trilogie de Kanye West ?
Jeen-Yuhs est une trilogie intéressante puisqu’elle retrace les débuts, l’ascension, la chute et la renaissance d’un artiste hip-hop qui a eu un impact colossal sur ce genre musical. Rarement montré à l’écran, ce format d’introspection permet de se rendre compte du parcours difficile de certains artistes. Mais également de les redécouvrir sous un autre angle, un aspect particulièrement présent dans Jeen-Yuhs acte I. Également, c’est une belle manière d’exposer les effets de la célébrité et les dangers qui peuvent en découler dans certaines industries comme la musique. Cependant, ce type de format est hautement dépendant de la relation que tisse l’artiste avec le caméraman ou le réalisateur. Et Jeen-Yuhs n’échappe pas à la règle. Un sentiment de manque se perçoit lorsque des années entières sont effacées. Les fans se sentiront biaisés puisque certaines années qui les ont marqué musicalement ne sont pas abordées.
Mais au-delà de cet aspect, cette série documentaire est une réussite puisqu’elle permet de voir des sessions studios que nous n’avons pas l’habitude de voir. Cette vision de l’intérieur permet presque de se projeter avec le groupe. De Chicago jusqu’à Los Angeles en passant par New-York, Kanye West a su poser son empreinte sur toute une génération d’artistes. Que ce soit au niveau de la musique, de la mode et plus récemment de la technologie, il demeure un des artistes les plus influents du 21ème siècle. Mais ses vieux démons continuent de la suivre et la possibilité d’une rechute n’est pas à écarter. Ce serait alors l’occasion de donner une suite à cette trilogie.
La note de la rédac’ : un très bon plan à partager !
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